On est tellement habitués à l’idée que notre valeur se mesure à ce qu’on produit. On fait, on coche, on répond, on prouve qu’on avance. Et si possible, avec le sourire, même quand on n’en peut plus. Alors, parler d’inaction dans ce contexte, ça semble presque provocateur. On entend “perte de temps”, “laxisme”, “désengagement”. Pourtant, si on regarde bien, certaines des choses les plus essentielles naissent dans des moments de vide. De vrai vide.
On oublie souvent que toute transformation a besoin d’un temps de pause. Une graine, avant de pousser, commence par faire des racines. Rien ne se voit, tout se passe sous terre, en silence. De l’extérieur, on pourrait croire qu’elle ne fait rien. Mais c’est justement là que tout commence. L’inaction apparente est en réalité une phase de construction souterraine. Elle prépare le terrain pour la suite. Et nous, humains, ne faisons pas exception.
Dans le monde professionnel, ce type d’inaction n’a pas bonne presse. Elle ne rentre pas dans un planning, ne se justifie pas dans un reporting. Elle n’est pas visible, donc elle est vite considérée comme inutile. On préfère enchaîner les tâches, remplir les cases, rester occupé·e en permanence. On confond mouvement et impact, agitation et efficacité.
Mais soyons honnêtes : qui a déjà eu une bonne idée en étant en surcharge mentale ? Qui a su prendre une vraie décision stratégique avec douze onglets ouverts et zéro respiration dans la journée ? Pas grand monde. Le mental a besoin d’espace. Le corps aussi. Et les émotions encore plus. Or, tout ça ne peut pas émerger dans un quotidien surchargé, où le vide est suspect et le ralentissement perçu comme une faille.
Faire une pause, c’est donc loin d’être inutile. C’est même fondamental. Prendre un temps pour ne rien faire, vraiment rien, ce n’est pas un caprice. C’est créer les conditions d’une vraie clarté. Pas une pause scrollée, pas un moment « à profitabiliser », mais un vrai temps d’arrêt. Un quart d’heure où l’on ne produit rien, ne résout rien, ne comble rien. Juste un espace où l’on respire, où l’on laisse remonter ce qui n’a pas eu de place jusqu’ici.
Dans ces moments-là, souvent, quelque chose se passe. Une fatigue qu’on reconnaît enfin. Une intuition qu’on avait étouffée. Une idée qui s’éclaire. Ce ne sont pas des effets immédiats et visibles. Mais ce sont des signaux de profondeur. Et ça change tout.
Peut-être que ce n’est pas en faisant plus qu’on performe mieux. Peut-être que ce n’est pas en allant plus vite qu’on va plus loin. Peut-être que la clé, c’est de faire moins, mais plus juste. Moins, mais en conscience. Moins, mais avec présence. La performance ne se joue pas uniquement dans la production visible. Elle se joue aussi dans la capacité à créer de la marge, à s’arrêter quand c’est nécessaire, à laisser le silence faire son travail.
Alors, et si vous commenciez par là ? Par un vrai moment de rien. Un espace pour laisser descendre. Pour poser. Pour que, comme une graine, vos racines aient enfin la place de s’installer. Parce que c’est dans cet enracinement invisible que se construit la suite.